L'Anse  à  Meadows
Sources : http://www.pc.gc.ca

 

Bref  historique :

Pendant des années, plusieurs peuples différents ont habité L'Anse aux Meadows et nombre de chercheurs ont contribué à notre compréhension de ce site archéologique. Voici un sommaire de l'histoire du lieu.

Vers 6000 A.A.
Des Autochtones commencèrent à utiliser ce site.

Vers l'an 1000
Une habitation scandinave

De 1500 jusqu'à la fin des années 1800
La région a été visitée par des pêcheurs français itinérants et peut-être des baleiniers basques.

Vers 1835
La communauté actuelle de L'Anse aux Meadows a été fondée par William Decker.

1914
W.A. Munn de Terre-Neuve soumet l'hypothèse que les Scandinaves ont accosté à L'Anse aux Meadows.

1960
Helge Ingstad visite L'Anse aux Meadows et George Decker, un résident, lui montre des bosses et des crêtes recouvertes d'herbe.

De 1961 à 1968
Des fouilles sont menées par Anne Stine Ingstad.

De 1973 à 1976
D'autres fouilles sont entreprises par Parcs Canada.

1977
L'endroit est désigné lieu historique national.

Le 8 septembre 1978
Le lieu est reconnu comme une des propriétés archéologiques importantes au monde et il est désigné site du patrimoine mondial par l'UNESCO.

1984
Le nouveau centre d'accueil ouvre ses portes.

Le 2 août 1991
L'Anse aux Meadows est visitée par le Gaia, une réplique d'un navire scandinave faisant route de la Norvège à Washington D.C.

La saga de Vinland (sommaire) :

Les récits de découverte des Scandinaves, incluant leur découverte de l'Amérique du Nord, viennent des sagas - des histoires anciennes qui étaient racontées pendant des années, et plus tard, écrites pour que les générations à venir puissent les lire. (La version écrite la plus ancienne nous vient du XIIe siècle.) Le début des voyages des Scandinaves vers l'ouest et vers l'Amérique du Nord peut être retracé en lisant les sagas des voyages marins d'Érik le Rouge et Bjarni Herjolfsson.
Selon ces sagas, voilà près d'un millier d'années, un gros navire à proue fière, en provenance du Groenland, jette l'ancre dans une baie accueillante, le long de la côte de l'Amérique du Nord. Après avoir ferlé l'unique voile carrée, les 30 hommes d'équipage mettent pied à terre. Au nord, une pointe de terre avance dans la mer; une île émerge au-delà. La côte est basse et légèrement ondulée. Des prairies luxuriantes, entourées de forêts, s'offrent à la vue. Une petite rivière coule d'un lac à quelques pas. Les flots sont impressionnants. À marée basse, la baie toute entière se transforme en une vaste terre asséchée.

Section du saga de Erik le Rouge
©Parcs Canada
   
Enchantés par la beauté du paysage, les nouveaux venus décident d'y demeurer. Ils remontent la rivière à bord de leur navire et installent leur campement sur la berge. Après quelques courtes excursions, ils connaissent bien le pays qu'ils trouvent extrêmement riche. Les cours d'eau foisonnent de saumon. Il y a du bois d'oeuvre à profusion et le climat est si doux que l'herbe reste verte tout l'hiver.

C'est ainsi que la saga Groenlandaise du XIIIe siècle décrit la première expédition de Leif Eriksson en Amérique du Nord, cinq siècles avant Christophe Colomb. La saga raconte qu'un jour, un membre de l'équipage, Tyrkir l'Allemand, s'est éloigné du campement et a trouvé des vignes sauvages dans la forêt. Cette découverte excitante inspira Leif qui décida d'appeler cette terre nouvelle Vinland, la terre du vin. Au début de l'été suivant, Leif et son équipage retournent au Groenland avec un plein chargement de bois de construction et de raisins transformés en vin ou séchés. Le bois de construction était particulièrement important pour des Groenlandais qui n'avaient pas chez eux le bois d'oeuvre servant à construire les maisons.

Le succès que connut Leif dans le nouveau pays en incita d'autres à venir. C'est ainsi que Thorfinn Karlsefni, commerçant islandais de passage au Groenland, organisa une expédition comptant près de 135 hommes et 15 femmes, du bétail et trois ou quatre navires. Le groupe utilisa le campement de Leif et passa plusieurs étés à explorer et à rassembler un chargement de bois de construction, de fourrures et autres, qui pourraient être vendus à profit au Groenland ou en Europe.

Les Scandinaves rencontrèrent des autochtones qu'ils appelèrent "Skraelings". Bientôt, des échauffourées se produisirent. Beaucoup moins nombreux que ses assaillants, le groupe de Karlsefni retourna au Groenland. Au cours d'un voyage - celui d'Eriksson, de Karlsefni ou d'un autre capitaine scandinave - les explorateurs s'arrêtèrent un certain temps à la pointe de la péninsule nord de Terre-Neuve, à l'endroit maintenant appelé L'Anse aux Meadows.

Ils y établirent une petite communauté, à une faible distance de la côte, sur une étroite terrasse de gravier, à proximité d'un marais tourbeux et d'un petit cours d'eau. Nul ne sait combien de temps ils y passèrent - peut-être quelques années seulement - mais ils y vécurent assez longtemps pour y construire de grandes maisons, plusieurs ateliers et une petite forge, où pour la première fois, le fer fut fondu au Nouveau Monde. Après leur départ, les bâtiments tombèrent en ruines et la nature reprit possession des lieux.
LHN de L'Anse aux Meadows
©Parcs Canada

La découverte du site et les fouilles archéologiques (1960-1968)

En 1960, près de neuf siècles plus tard, un explorateur et écrivain norvégien, Helge Ingstad, se rendit à L'Anse aux Meadows. Il faisait des recherches poussées pour découvrir les lieux de débarquement des scandinaves sur la côte, à partir de la Nouvelle-Angleterre vers le nord. Un habitant de L'Anse aux Meadows, George Decker, le conduisit à un groupe de bosses et de crêtes recouvertes d'herbe, rappelant des ruines de maisons. Il s'avéra qu'il s'agissait des vestiges de l'ancienne colonie scandinave. Pendant les huit années suivantes, Ingstad et sa femme, l'archéologue Anne Stine Ingstad, y dirigèrent les fouilles d'une équipe d'archéologues norvégiens, islandais, suédois et américains.

Les Ingstad découvrirent que les crêtes recouvertes d'herbe étaient les assises des murs de huit maisons scandinaves construites au XI e siècle. Les murs et les toits étaient faits de mottes de gazon qui reposaient sur une charpente. C'était des constructions du type de celles qu'on trouvait en Islande et au Groenland autour de l'an 1000. Des foyers longs et étroits creusés au milieu des planchers servaient de moyens de chauffage, d'éclairage et de cuisson.
 
Parmi les ruines, les archéologues découvrirent des artefacts semblables à ceux qu'on avait trouvés sur des sites semblables en Islande et au Groenland. Dans la fosse à cuisson de l'une des grandes maisons, on retrouva une épingle en bronze garnie d'une tête en forme d'anneau que les Scandinaves utilisaient pour attacher leurs manteaux. Dans une autre maison, on trouva une lampe à pétrole en pierre et un petit volant de fuseau. Dans la fosse d'une troisième maison, on découvrit un fragment d'une aiguille en os qui devait servir à un certain type de tricot. On trouva également un petit fragment de cuivre ouvragé qui avait dû être rutilant.
L'épingle de bronze
©Parcs Canada / G. Vandervloogt
 
Grâce à ces découvertes, nous savons qu'il n'y avait pas que des hommes parmi les colons scandinaves. Les volants de fuseau et les aiguilles à tricoter étaient utilisées par les femmes. Une petite pierre à affûter les aiguilles et les ciseaux reposait près du volant de fuseau. Il s'agissait de pièces composant un trousseau de femme.
 
On trouva sur le site une quantité considérable de scories provenant de la fonte et du forgeage du fer ainsi que de nombreux clous et rivets en fer utilisés dans la construction des bateaux. Ces détails, plus que tout autre, permirent aux archéologues d'affirmer qu'il s'agissait de l'emplacement d'une colonie scandinave.
 

Sites autochtones :

Les Scandinaves ne constituent qu'un des groupes qui vécurent à L'Anse aux Meadows. Des Autochtones y ont vécu pendant 6000 ans, sans doute en raison du riche milieu marin et de la proximité du Labrador. On y a trouvé des outils et des campements de cinq ou six groupes différents. Citons notamment les Esquimaux du Dorset qui établirent leurs campements sur la rive sud de la baie, plus de 200 ans avant les Scandinaves. Il est d'ailleurs surprenant qu'aucun de ces groupes n'était présent lors des voyages d'exploration des Vikings.
 
Les Scandinaves ont rencontré des Autochtones ailleurs dans Vinland, ainsi qu'au nord de L'Anse aux Meadows; ils les appelaient Skraelings. De l'avis de certains, les accrochages avec les Skraelings auraient découragé les Scandinaves de pénétrer plus profondément dans Vinland et auraient fini par les forcer à retourner dans leur pays. Quelle qu'ait pu en être la raison, ils décidèrent de ne plus s'aventurer si loin de chez eux et de rester en Europe, où ils pouvaient trouver tout ce dont ils avaient besoin sans devoir retourner explorer le Nouveau Monde.
 

Les fouilles archéologiques de Parcs Canada :

Parcs Canada continua les excavations du site de 1973 à1976. Les nouvelles fouilles de Parcs Canada mirent au jour le marais tourbeux au bas de la terrasse aménagée par les Scandinaves. On y trouva trois couches distinctes et environ 2000 fragments de bois débité. L'une de ces couches remontait à la période d'occupation par les Scandinaves. Il s'agissait surtout de copeaux et de sciures provenant du bois qu'on transformait en billes et en planches au moyen d'outils métalliques et qui rappelaient les sagas décrivant l'apprêt du bois d'oeuvre qu'on ramenait au Groenland. On trouva également des objets brisés et mis au rebut, parmi lesquels ce qui fut probablement la varangue d'un petit bateau scandinave.
 
L'établissement scandinave se composait de trois groupes de bâtiments comprenant chacun une habitation, qui abritait les habitants pendant l'hiver, et un atelier réservé à des artisans spécialisés. Les forgerons vivaient probablement à proximité du ruisseau, dans les maisons A, B, et C (voir le plan). Ils faisaient griller le minerai de fer des marais dans le bâtiment B et forgeaient dans une pièce du bâtiment A. Ils exploitaient également une forge sur l'autre berge du ruisseau où ils faisaient fondre le fer dans un four.
 
Carte du lieu historique du Canada de L'Anse aux Meadows
©Parcs Canada
 
Le four qui servait à la fonte du minerai de fer ressemblait à une fosse tapissée d'argile, recouverte de grosses pierres. Le fer qu'on obtenait n'était pas de la meilleure qualité: les quatre cinquièmes de la production se retrouvaient sous forme de mâchefer. Une fois cette étape terminée, on détruisait le four, et le bâtiment se transformait en forge où le fer était à nouveau chauffé et martelé pour en éliminer les grosses impuretés. C'est seulement ensuite qu'on pouvait forger le fer et façonner des objets, le plus souvent des clous ou des rivets.
 
Les bâtiments D et E abritaient les charpentiers, comme en témoignent les copeaux et les sciures de bois qu'on trouva enfouis dans le marais à ces endroits.
 
Les bâtiments F et G étaient surtout réservés à la réparation de navires ou d'embarcations. Les fouilles ont permis de découvrir à ces endroits nombre de rivets provenant des navires. Ils avaient été coupés, enlevés des navires et remplacés par de nouveaux rivets, probablement forgés dans le bâtiment A.
 
Afin de protéger ces importantes ressources archéologiques, celles-ci ont été enterrées de nouveau sur le site sous une couche de sable blanc et l'endroit des fouilles a été recouvert de gazon.
 
Leur enterrement comme moyen de protection à long terme rencontre aussi une des conditions fondamentales d'inclusion sur la liste du patrimoine mondial: la protection de la ressource significative.
 

L'Anse aux Meadows est-elle le Vinland? :

Bien que les vestiges soient souvent difficiles à interpréter, les renseignements qui suivent sont fondés sur les plus récentes analyses des sagas et des preuves archéologiques et paléoécologiques. L'Anse aux Meadows était un endroit où l'on sortait les navires de l'eau pour les vérifier et les réparer avant d'entreprendre le long voyage de retour. Les navires étaient un élément essentiel pour les Scandinaves, leur seul lien avec leur pays. Le site a servi de colonie et de camp d'hiver aux explorateurs venus du Groenland. Certaines expéditions ont dû même pousser dans le Saint-Laurent et à certains endroits du Nouveau-Brunswick. Nous pouvons faire ces affirmations parce que des noix ont été retrouvées parmi les objets des Scandinaves. Il n'y a jamais eu de noyer tendre à Terre-Neuve; de nos jours, on n'en trouve pas au-delà du nord-est du Nouveau-Brunswick pas plus qu'on ne trouve de vignes sauvages. Les Scandinaves établis à L'Anse aux Meadows peuvent donc avoir découvert des vignes sauvages au cours d'une de leurs excursions, d'où le nom Vinland. Même si L'Anse aux Meadows n'est pas le Vinland comme tel, ce dernier étant un pays et non un endroit, le site aurait été la porte du Vinland qui s'étendait probablement jusqu'au Saint-Laurent et au Nouveau-Brunswick.
 
Situé à l'entrée nord du détroit de Belle-Isle, face au Labrador et facile d'accès, le site de L'Anse aux Meadows répondait au besoin vital d'un petit groupe d'étrangers venus de loin pour explorer des terres inconnues. La plupart des membres de l'expédition étaient libres de passer les étés plus au sud ó ou là où ils le voulaient ó mais les autres restaient à L'Anse aux Meadows pour trouver la nourriture et le combustible nécessaires pour passer l'hiver. Le fait de ne pas devoir retourner au Groenland pour se ravitailler signifiait qu'ils pouvaient passer plus de temps à explorer et à rassembler une cargaison de prix qu'ils pourraient revendre au Groenland. Dès la fin de l'automne, tous les membres de l'expédition revenaient à L'Anse aux Meadows et s'entassaient dans les maisons en mottes de gazon où ils célébraient Noël et se racontaient leurs aventures. Nous ignorons combien d'années les Scandinaves passèrent ainsi, mais les vestiges nous portent à croire que ce fut court. En fait, L'Europe était aussi proche pour eux que le Vinland et offrait davantage. Finalement, le Vinland tomba presque dans l'oubli, tout comme le petit avant-poste de L'Anse aux Meadows.
Sources : http://www.pc.gc.ca
 
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